La diversité des forêts françaises : un trésor souvent méconnu
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Lorsque nous parlons de LA forêt française, il est facile de les envisager comme un ensemble homogène et immuable. Pourtant, derrière cette image se cache une multitude de réalités, variées et mouvantes. Cette diversité des forêts est le fruit de nombreux facteurs, géographiques, climatiques, pédologiques, écologiques ou humains.
La richesse des forêts françaises au delà de l'hexagone
Il est important de rappeler que le territoire français ne se limite pas à l'hexagone : les DOM-TOM sont présents dans différentes régions du globe, portant une diversité forestière considérable. Par exemple, la Guyane, département français le plus boisé, contient plus d’essences forestières différentes que l’ensemble de l’Europe continentale.
Figure 1. Répartition des forêts françaises dans le monde. (Memento IGN 2023)
Comment caractériser la diversité des forêts ?
Diversité des essences
Les forêts françaises se distinguent par leur diversité en termes d'essences d'arbres. Dans l'hexagone, elles se répartissent principalement entre forêts feuillues, dominées par le chêne, le hêtre ou l'érable, et forêts résineuses où le sapin, l'épicéa ou le pin sylvestre prédominent. Certaines forêts, dites “mixtes”, présentent même un mélange d'essences résineuses et feuillues.
Cette diversité dépend des conditions climatiques de la forêt, de ses sols, et est influencée par le travail du gestionnaire. En effet, ce dernier choisit les essences qu’il souhaite privilégier dans son travail. Il peut décider de travailler avec les essences présentes naturellement quand leur avenir n’est pas menacé par les effets du changement climatique. A l’inverse, il peut choisir d’introduire une ou plusieurs nouvelles essences qu’il estime plus adaptées au climat anticipé dans les décennies à venir.
Les forêts françaises sont en majorité (87 %) qualifiées de forêts semi-naturelles, c’est-à-dire qu’elles n’ont pas été plantées, au contraire, elles ont été régénérées avec le stock de graines présent dans le sol.
Figure 2. Carte de la répartition des peuplements résineux, feuillus ou mixte en France hexagonale (Memento IGN 2023).
Diversité des modes de gestion
Même si on peut les imaginer immuables, les forêts sont en fait très dynamiques et passent par différents stades au cours de leur vie.
Elles peuvent être extrêmement jeunes quand elles ont été récemment semées, plantées ou qu’elles sont issues d’une régénération naturelle venant après une perturbation ou une intervention (d’origine humaine ou non). Très dynamiques, ces forêts sont la future ressource en bois du pays.
A l’inverse, on trouve en France de très vieilles forêts, certaines ont été laissées en libre évolution mais beaucoup sont gérées depuis des années voire des siècles. Leur potentiel de production de bois est amoindri mais elles constituent une réserve en bois de qualité.
Par opposition aux deux premières forêts décrites précédemment, qui comportent des arbres homogènes en âge, il existe un type de forêts constituées d’arbres de tous les âges. Ces forêts, qualifiées de forêts irrégulières, permettent de produire régulièrement du bois mais nécessitent une attention constante et des interventions régulières.
Chaque stade de développement, ou mode de gestion, offre des habitats uniques pour une diversité d'espèces végétales et animales.
Figure 3. diversité de modes de gestion (Forest Stewardship Council).
Diversité des usages et de type de propriétés
L’essentiel (75 % de la surface) des forêts métropolitaines sont privées, on compte environ 3.5 millions de propriétaires forestiers en France. Ces propriétés sont très diverses en termes de surfaces – certaines n’atteignent pas l’hectare quand d’autres font plusieurs milliers d’hectares.
La vision que le propriétaire peut avoir de sa forêt et ses objectifs déterminent directement le devenir de sa forêt.
L’Office National des Forêts gère les forêts publiques, soit 25 % des forêts. Il distingue quatre objectifs qu’il essaie d’articuler dans sa gestion des forêts : la production de bois, la protection de la biodiversité, l’accueil du public et la protection des populations (avalanches, érosion des côtes, incendies, etc.). L’ONF doit donc régler finement sa gestion afin d’optimiser ces différents objectifs. Même s’ils sont souvent compatibles, certaines situations exigent cependant de prioriser certains enjeux aux autres : forêts paravalanches, protection des dunes, protection des captages d’eau, réserves biologiques intégrales, forêts de Parcs Nationaux, etc.
La diversité des forêts françaises réside donc aussi dans les choix et orientations de leurs gestionnaires vis-à-vis des objectifs qu’ils se fixent.
Figure 4. La diversité des usages et des fonctions de la forêt (La 27éme région).
Pourquoi travailler à la diversité des forêts ?
La résilience des forêts face aux aléas climatiques et sanitaires
La diversification des forêts contribue à leur résilience face aux perturbations climatiques ou sanitaires en offrant des réponses contrastées à ces aléas. Si l’on veut que la forêt continue à nous rendre tous ces services (production de bois, accueil de la biodiversité, accueil du public et protection), il est indispensable que les gestionnaires forestiers diversifient davantage leurs modes de gestion pour ne pas « mettre tous leurs œufs dans le même panier ».
Figure 5. Dépérissement des épicéas (L'Est Républicain).
Accueil de la biodiversité
La forêt française est riche de sa biodiversité. Elle est composée de 138 essences d’arbres différentes et est le refuge de 80 % de la biodiversité française et contribue à lutter contre son érosion. Multiplier la variété des milieux forestiers c’est s’assurer d’offrir une large palette d'habitats aux espèces végétales et animales qui ont parfois besoin de niches écologiques très spécifiques.
Figure 6. Evolution des population d'oiseau dans divers espaces (Suivi des oiseaux communs en France, Observatoire Français de la Biodiversité).
Conclusion
Les forêts françaises sont multiples et diverses et cela s’explique par un grand nombre de facteurs, naturels comme humains. Nous avons tout intérêt à contribuer à cette diversité pour renforcer la résilience des forêts et des nombreux services qu’elles nous rendent.
Cette idée se synthétise dans le concept de « forêt mosaïque », développé par l’ONF. Cet idéal de gestion permet en théorie de répondre à tous les objectifs que la société française se fixe pour ses forêts.
Figure 7. Illustration du concept de forêt mosaïque (ONF)