Quelle évolution de la diversité des essences d'arbres dans les forêts françaises ?

 

Photo Forêt Fontainebleau Quentin Lallemand

@QuentinLallemand

Après les feux de forêts intervenus en 2022, la crise des scolytes et la volonté du Président de la République de « planter un milliard d’arbres en France d’ici 2030 », le reboisement de nos forêts est plus que jamais d’actualité.

Le constat et les orientations sont clairs mais des interrogations émergent quant à la méthode à adopter. Quelles essences ? Sur quels territoires ? Avec quel itinéraire technique ?

Dans ce contexte, doit-on craindre une industrialisation de nos forêts avec le développement de “champs de résineux” sur nos territoires dont le seul but serait la rentabilité économique à moyen-terme ?

 

Les multiples bénéfices de la diversité des forêts

La forêt française est aujourd’hui très largement diversifiée avec 106 essences forestières dont 90 espèces feuillues. 87% de la surface sont d’ailleurs considérés comme forêt semi-naturelle, c’est à dire non issue de plantations. 

Selon l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière), seuls 6,8% des forêts françaises ne contiennent qu’une seule essence (on parle alors de peuplements monospécifiques). 83% des forêts sont composées d’au moins 3 essences [1].

Les forêts assurent 4 fonctions : 

  • une fonction économique avec la production de bois aux multiples usages (bois d’œuvre, bois d’industrie, bois énergie), 
  • une fonction environnementale par la protection et le maintien de la biodiversité,
  • une fonction sociale en participant à la protection de la ressource en eau, en offrant une meilleure qualité paysagère et des usages récréatifs,
  • et une fonction de protection contre les risques naturels (avalanches, glissements de terrain, crues, érosion…).

Dans un contexte de changement climatique, avec des impacts de plus en plus visibles et fréquents (tempêtes, sécheresses, dépérissements, attaques de pathogènes etc.), le meilleur moyen de donner de la résilience aux massifs forestiers est de préserver au maximum la diversité tant au niveau des essences qu’aux différentes échelles spatiales (forêts et massifs). De cette manière, la biodiversité permet la dilution du risque de non-adaptation au changement climatique et l’augmentation de la résilience. Les études montrent que les peuplements mélangés offrent en moyenne des services écosystémiques supérieurs aux peuplements homogènes [2, 3].

 

La place des résineux dans les forêts métropolitaines

Il y a eu dans l’histoire récente des forêts françaises des phases de reboisements importantes lors desquelles l’enrésinement avait pour objectif de répondre à des politiques forestières précises. Il s’agissait alors d’une approche ’’monofonctionnelle’’ des forêts.

À la fin du XIXe siècle, pour lutter contre l’érosion, les chutes de blocs, les avalanches ou encore contre l’insalubrité dans les zones de montagne, l’Etat a mis en place les reboisements RTM (Restauration des terrains de montagne) dans l’objectif d’obtenir une couverture du sol la plus rapide possible sur des terrains où les résineux étaient bien adaptés.

Plus proche de nous, après la seconde guerre mondiale, les boisements du fond forestier national se sont développés. L’objectif était de produire le plus rapidement possible du bois pour reconstruire un pays lourdement touché par la guerre. Là encore les essences de résineux ont été privilégiées (83% des peuplements introduits) pour leur forte production biologique, y compris en zones de plaines [4].

Cet enrésinement reste somme toute modéré au regard de la surface forestière totale.  En effet, aujourd’hui, en France métropolitaine les feuillus représentent 67% de la superficie forestière [5]. Ces pratiques ont néanmoins permis d’ouvrir des débats et ont montré les limites (crises sanitaires, appauvrissement des sols…) de la monoculture et des itinéraires techniques trop “systématiques”.

Photo Forêt Cevennes Gard Fibois Occitanie

@FiboisOccitanie

 

Quelle diversité pour l'avenir de nos forêts ?

Ces politiques monofonctionnelles ont bien fonctionné et les boisements du fond forestier national alimentent encore largement la filière bois française mais les politiques forestières ne conçoivent plus de tels boisements aujourd’hui. Nous sommes passés d’une vision monofonctionnelle à une vision multifonctionnelle des forêts qui est définie depuis 2011 dans le Code forestier [6].

La richesse locale moyenne en essences forestières tend d’ailleurs à augmenter : elle est de 5 essences sur 0,2 ha en France métropolitaine et cette valeur est en augmentation entre 2006 et 2017 [1].

Aujourd’hui, la diversification des essences aussi bien feuillues que résineuses est un objectif essentiel pour répondre au mieux à la multifonctionnalité des massifs forestiers. Cette diversité en forêt à toutes les échelles est le meilleur gage de résilience dans un contexte changeant et soumis aux aléas de plus en plus fréquents.

Les professionnels sont formés pour gérer les forêts durablement et intégrer la diversité dans le reboisement. L’objectif est de trouver le juste milieu entre le maintien des différentes fonctions de la forêt, la satisfaction des besoins en matériau bois et l’adaptation des prélèvements à la ressource disponible.