La chasse, quel enjeu pour la forêt ?

 

L’écosystème forestier, un espace multifonctionnel

La chasse est-elle un simple « loisir » ? Pourquoi est-elle encore pratiquée malgré les débats que cette activité provoque ? Au-delà des aspects culturels, touristiques ou économiques, la chasse est une pratique intégrée dans la gestion des écosystèmes forestiers, pour maintenir les équilibres sylvo-cynégétiques, source de pression sur la faune et la flore dans certains massifs forestiers.

Définition de l’équilibre sylvo-cynégétique :  « Consiste à rendre compatibles, d'une part, la présence durable d'une faune sauvage riche et variée et, d'autre part, la pérennité et la rentabilité économique des activités agricoles et sylvicoles. Il est assuré, conformément aux principes définis à l’article l.420-1, par la gestion concertée et raisonnée des espèces de faune sauvage et de leurs habitats agricoles et forestiers » (selon le code de l’environnement, article l.425-4).

 

Quels sont les effets d’un déséquilibre sylvo-cynégétique ?

Les cervidés et ongulés sauvages (cerfs, chevreuils, sangliers …) ont un effet bénéfique sur la biodiversité. En effet, via la consommation de graines et de fruits forestiers, la grande faune participe à la dispersion et à la régénération de la forêt. Par exemple, le sanglier, par son activité de fouisseur, permet d'aérer les sols et de remonter des graines qui, par conséquent, sortent de leur état de dormance et germent. Une densité trop faible de ces derniers n’est donc pas souhaitable pour les écosystèmes forestiers.

En revanche, si cette densité de grands ongulés devient trop élevée, et que l’équilibre sylvo-cynégétique est compromis, voire dégradé, cela peut avoir des effets négatifs sur la flore et la faune environnante :

  • Disparition de certaines plantes, insectes et autres animaux: en effet, une densité trop importante de grands ongulés altèrent la structure, la composition et la diversité des communautés végétales, entraînant une cascade d’effets néfastes sur l’ensemble de la chaîne alimentaire. Par exemple, le sanglier étant un prédateur des espèces animales et végétales vivant ou nichant au sol ou dans les mares, comme les perdrix, les escargots les grenouilles, une surabondance de celui-ci entraîne une trop forte prédation sur ces espèces.
  • Mise à mal de la régénération naturelle des boisements par la consommation de graines ou l’abroutissement des plantules. Cela a pour conséquence une perte de densité du peuplement et/ou une substitution d’une essence très consommée par une autre moins appétente pour les cervidés. Or l’essence moins consommée n’est pas toujours la plus adaptée au changement climatique. Par exemple les ongulés consomment davantage de chêne que de hêtre, favorisant ainsi la pousse de ce dernier. Or le chêne sessile ou pubescent est plus approprié aux futurs climats en France[1],[2]
  • Une destruction des plants lors du reboisement ou d’opérations d’enrichissement, en particulier sur des essences comme le sapin, le chêne ou le merisier, très appétentes et sensibles.
  • Le ralentissement de la croissance des peuplements et dégradation de la qualité ultérieure des bois par l’abroutissement, l’écorçage des troncs et les frottis.

Le travail mené par les propriétaires et gestionnaires forestiers consiste donc à trouver le bon équilibre entre ces deux situations, et maintenir une forêt de qualité, avec un bon renouvellement. C’est pour cela que l’on parle d’une nécessité d’un équilibre sylvo-cynégétique.

 

Quel est l’état de l’équilibre sylvo-cynégétique en France ?

En France, l’état de l’équilibre sylvo-cynégétique est satisfaisant dans 66% de la surface des forêts domaniales, il est compromis dans 8% de la surface et dégradé (pression trop important des grands ongulés) dans 26%. Ces chiffres sont des appréciations obtenues dans le cadre des relations pour les baux de chasse domaniaux, à compter de l’année 2016, où l’Office National des Forêts a demandé de qualifier en amont pour chaque lot l’état de l’équilibre forêt/gibier[3].

Il est important de mentionner que la répartition des ongulés en France a fortement changée ces 40 dernières années. En effet, le cerf occupait plus de 49% des surfaces boisées en 2019 contre 25% en 1985, selon l’Office français de la biodiversité (OFB). "Quant au sanglier, il ne causait pas de problèmes en petite densité, mais sa population a été multipliée par six en trente ans", complète Ludovic Lanzillo, expert arboricole au sein de l’ONF.  Des outils existent comme equilibre-foret-gibier.fr qui permettent aux forestiers et aux chasseurs de travailler ensemble pour le bon rétablissement des équilibres.

A quelles obligations la pratique de la chasse est-elle soumise en France ?

La pratique de la chasse est réglementée en France par le code de l’environnement, Livre IV Patrimoine naturel, Titre II : Chasse (Articles L420-1 à L429-40). 

L’Article L420-1 précise que la chasse « contribue à l'équilibre entre le ongulés, les milieux et les activités humaines en assurant un véritable équilibre agro-sylvo-cynégétique » et que « Le principe de prélèvement raisonnable sur les ressources naturelles renouvelables s'impose aux activités d'usage et d'exploitation de ces ressources ».

Elle impose aux chasseurs de détenir un permis de chasse, (Articles L423-1 à L423-27) , de respecter des périodes et des horaires, (Temps de chasse - Articles R424-4 à R424-13-4)  et de respecter des règles de sécurité. (Article L424-15).

Pour conclure, la forêt est l’habitat naturel de nombreux grands ongulés qui contribuent à son fonctionnement. Mais lorsqu’ils sont présents en trop grand nombre, cela engendre un déséquilibre sylvo-cynégétique et génère des effets négatifs sur la santé de la forêt qui les abrite. En pratiquant une chasse dite raisonnée et réglementée, le chasseur participe donc au maintien de l’équilibre sylvo-cynégétique. Parallèlement, l’exploitation forestière peut venir perturber les populations animales en forêt. Elle doit donc être pratiquée, elle aussi, de façon raisonnée en veillant à la préservation des écosystèmes. Les forestiers, les chasseurs et les animaux participent donc chacun à leur échelle au maintien d’une diversité d’écosystèmes forestiers.